par Martha Bird

Martha Bird, anthropologue culturelle et d’entreprise, donne des renseignements en réponse à l’événement de santé mondial lié à la COVID-19.

Les sphères naturelle, culturelle et technologique sont reliées. Elles sont toutes intrinsèquement acquises. La façon dont nous percevons la nature qui nous entoure dépend de l’imagination de la culture dans laquelle nous baignons. Pour certains, un arbre est un ancêtre; pour d’autres, une source de chaleur; pour plusieurs, un élément quelconque en toile de fond, ou une combinaison de tout ce qui précède et plus encore.

Tandis que la COVID-19 continue de sillonner la terre, telle une rivière déchaînée et impétueuse, je songe à nos relations en tant qu’humains avec la nature, la culture et la technologie. Je pense à l’humanité que nous partageons et à la diversité des contextes dans lesquels cette humanité s’incarne et se manifeste.

Au cours des deux dernières semaines, des amis ont sollicité mon point de vue sur ce que les nouvelles pratiques sociales motivées par ces circonstances signifient pour notre humanité commune. En tant qu’anthropologue culturelle travaillant dans le secteur des technologies, ils présument que je suis encline à avoir une opinion tranchée, ou, à tout le moins, un raisonnement approfondi sur ces sujets reliés. Ils n’ont pas tort et j’aimerais vous faire part de certaines de ces idées et opinions. D’emblée, voici ce qui me vient en tête :

Nous vivons dans un monde profondément interconnecté

Les cartographies et projections modélisées de la présence du virus que plusieurs d’entre nous avons vues aux nouvelles et sur les médias sociaux soulignent la connexité de tous les organismes vivants, virus et humains. Contrairement à la façon dont le « monde » est généralement conceptualisé dans l’imagination populaire, c’est-à-dire comme une série de parcelles de régions à peu près contiguës, nous nous trouvons maintenant face à une représentation d’un type plus holistique. Le monde est devenu un espace partagé – un espace dont les frontières s’agrandissent au rythme de la propagation de la maladie… un espace nouvellement conçu par un nombre croissant de personnes, qui s’étend au-dessus des différences régionales et de la contagion effarante d’une xénophobie découlant de la « différence » et de l’« altérité ».

Il nous faudrait retenir certaines leçons de cette nouvelle représentation.

La technologie revêt une importance immédiate au point de vue pratique et personnel

Pour bon nombre d’entre nous, la « technologie » est plus tangible aujourd’hui qu’elle ne l’a jamais été auparavant. Elle nous touche plus intimement. En tant que personne publiant des articles sur des sujets variés, mais axés sur la collaboration entre humains et machines sous le thème plus large des technologies avancées et de la culture humaine, j’ai déversé ma part d’encre numérique au sujet de l’intelligence artificielle (IA), du traitement automatique des langues (TAL), de l’apprentissage automatique, de l’éthique des données et de la justice algorithmique, entre autres. Malgré mon engagement à citer des exemples du monde réel, une grande partie de cette écriture tend vers une fonction théorique ou, du moins, ne tend pas vers le type de fonction pragmatique que nous associons aux projets de bricolage, par exemple.

Pour ceux d’entre nous ayant la chance de pouvoir travailler à la maison, les concepts tangibles de signal puissant, de câbles et d’adaptateurs abondants, de connexion Wi-Fi fiable et de réseau privé virtuel sécurisé nous rappellent que les technologies, en général, sont de véritables « choses » nous utilisons pour faire des « trucs ».

Ajoutez à cela les millions d’élèves qui font maintenant leurs travaux scolaires à distance et la technologie, à laquelle nous avons recours en tant qu’outil dans le sens traditionnel du terme, c’est-à-dire « un appareil ou instrument, en particulier lorsque tenu dans la main, utilisé pour remplir une fonction précise » est mise à l’avant-plan. Il y a quelque chose d’étrangement réconfortant dans le « caractère substantiel » de la technologie utilisée de cette manière, intentionnellement caractérisée par une relation « outil/tâche ».

Le caractère substantiel ou tangible de la technologie continuera d’exiger notre attention. Une courte liste d’exemples actuels pourrait comprendre les algorithmes de commerce électronique, les fournitures médicales, l’automatisation de la fabrication, des réseaux de logistique et de la livraison de nourriture, la science de l’emballage pharmaceutique et, bien sûr, la gamme d’outils physiques et numériques utilisés en virologie médicale et de recherche.

L’importance des rituels

Parallèlement aux obligations de « rester chez soi » et de respecter la « distanciation sociale » naît une plus grande conscience individuelle du rôle du rituel dans notre vie quotidienne. Selon le regretté anthropologue culturel britannique Victor Turner : « Un rituel est une séquence stéréotypée d’activités comprenant des gestes, des mots et des objets, qu’on exécute dans un lieu fermé ».

Je me souviens de plusieurs rituels de mon enfance, importants à l’époque, mais qui n’occupent que peu de place dans ma vie d’adulte. Récemment, je me rends compte que certaines de ces pratiques commencent à revenir au sein de mon cercle d’amis et dans ma famille. Par exemple, quand j’étais enfant, il y avait du « temps de jeu », du « temps de travail » et du « temps en famille ». Le « temps de jeu » était caractérisé par des balades à vélo vers la marina du quartier en fin d’après-midi, à l’occasion desquelles je devais obligatoirement porter mes « vêtements de jeu ». Le « temps de travail » correspondait plus ou moins à l’horaire scolaire – lever à 7 h 30 pour prendre le bus et retour à 15 h 45, juste à temps pour le « temps de jeu ». Le « temps en famille » consistait toujours à prendre place autour de la table avec ma mère, mon père, ma sœur et mon frère pour souper. Tant à l’époque qu’aujourd’hui, je m’estime incroyablement privilégiée d’avoir une famille avec qui j’ai envie de passer du temps.

Étant soudainement si nombreux à la maison, les notions de temps commencent à se (re)transformer en moments ou rituels distincts. Certains ont la fonction pratique d’opérationnaliser les activités de la journée, alors que d’autres visent à imposer une cadence contrôlée au cœur du chaos. L’utilisation de rituels comme source d’un réconfort s’appuyant sur la répétition ou le rythme est commune à ces anciennes notions aujourd’hui renouvelées. D’après mon expérience, cela s’apparente aux appels téléphoniques du dimanche, aux crêpes les fins de semaine et aux vêtements de jeu. J’ai repris certaines de ces anciennes habitudes ces dernières semaines. Peut-être que vous aussi? Demandez-vous si entendre la voix de quelqu’un que vous aimez vous semble plus doux aujourd’hui qu’il y a un mois, où vous vous seriez contenté d’un message texte.

Pratiquer les arts du soin et de la science

Tous les jours, j’ai conscience du lien qui m’unit à la terre, aux communautés dont je fais partie, à ma famille, à mes amis et à mes camarades humains à l’échelle mondiale. Tandis que je réfléchis à ce que nous – la famille humaine – pourrions retenir au cours des prochains mois, j’ai sincèrement espoir que nous développerons un sens collectif plus profond de ce que signifie prendre soin des autres et de nos environnements. Lorsqu’une étudiante lui a demandé ce qu’elle estimait être le premier signe de civilisation au sein d’une culture, l’anthropologue Margaret Mead a répondu :

« À l’état sauvage, si un animal se fracture un os important, il meurt – de faim, ou dévoré par un autre animal. Si un ancêtre humain a survécu à un fémur fracturé, c’est que quelqu’un d’autre a pris soin de lui assez longtemps pour que l’os se ressoude. On lui aurait donc fourni un abri, de la nourriture et de l’eau pendant une longue période. Quelqu’un aurait dû faire preuve de gentillesse, de compassion, d’altruisme. La gentillesse, aux côtés de la science, demeure la pierre angulaire de la médecine ».

La gentillesse est un rituel que je continuerai de pratiquer. Imaginez quels seraient les bienfaits à long terme si nous apprenions à faire preuve de plus de gentillesse. Elle fait partie des éléments qui nous rendent humains. Peut-être qu’au cours des prochaines semaines, un plus grand nombre d’entre nous aura l’occasion de se remémorer à l’aide de mots et d’actions ce que plusieurs ont oublié. À mon avis, cela constituerait un résultat très positif.

Vous trouverez des renseignements utiles ici : Trousse d’outils de préparation des employeurs offerte par ADP – Maladie à coronavirus (COVID-19)

Cet article est paru à l’origine dans SPARK Parrainé par ADP.